Amin Goudarzi

Amin Goudarzi est un musicien qui a étudié les arts visuels au lycée. Cela pouvait sembler évident que cette conjonction ferait de lui un compositeur de musique à l’image. Elle a provoqué son intérêt pour le cinéma et sa curiosité envers l’approche spécifique de ce métier. 
Quel est ton parcours ?

 J’ai commencé la musique en Iran, par de la guitare classique. J’ai commencé une carrière de bassiste studio, avec des chanteurs différents, des gens qui voulaient enregistrer de la basse, faire des tournées : dans la variété, et aussi l’électro. Et ensuite, je suis venu en France pour faire mes études, une licence de musicologie. Je faisais un peu de jazz et je suis venu en France aussi pour explorer ce côté-là. Puis je suis allé à Lyon pour un master musiques de films. Je suis allé au conservatoire dans la classe de Jean-Michel Bernard, puis j’ai fait un deuxième master de musicologie en parallèle. Je commençais déjà à composer pour des courts métrages. Quelques années plus tard, j’en suis à une quarantaine de courts métrages d’animation et fiction, documentaires, web-séries en tout ; un peu de jeu vidéos aussi mais à la marge. 

Qu’est ce qui t’a donné envie de composer pour l’image ? 

C’est vraiment au lycée que l’envie est née, c’est le moment où j’ai commencé à regardé des films, à aimer l’image. Comme je n’étais pas bon élève, mes professeurs d’histoire de l’art qui savaient que je faisais de la musique, ont tenu à me montrer les passerelles entre les arts visuels et la musique. Et de mes 15 à mes 18 ans, l’intérêt pour le cinéma a cru progressivement et lentement. Je me souviens par exemple d’un documentaire que j’avais vu sur Arte dans lequel il était question des influences de la musique classique dans le travail des compositeurs de film. Il y avait une interview de Danny Elfman, qui expliquait comment la musique de Schubert l’avait influencé. Je ne connaissais pas du tout cette approche ; cette idée de s’inspirer librement de la musique du passé et d’autres compositeurs, de se l’approprier au point d’en faire son propre langage musical, j’ai vraiment trouvé ça intéressant.

J’avais envie de faire de la musique à l’image mais je ne savais pas qu’il existait des formations spécifiques. À la fin de ma licence, quand je suis tombé sur le Master MAAAV, je me suis dit que c’était ce que je devais faire. Pour moi, avant d’apprendre l’existence de cette formation, il fallait continuer à composer pour qu’un jour un réalisateur tombe sur notre musique ; c’était ça, le parcours du compositeur de musiques de films. 

Qu’est-ce qui t’a influencé ?

Je ne viens pas d’une musique en particulier. J’ai fait pas mal de rock, de jazz, en même temps j’ai étudié la musique classique, l’orchestration et la musique de films, bien sûr. Et tout ça se mélange, mais je n’ai pas un compositeur en particulier qui m’a influencé.

Dans chaque style, je trouve des choses à emprunter, des choses à intégrer dans mon langage musical. Je vois la musique un peu comme la cuisine : on peut faire tout ce qu’on veut, on n’est pas forcément obligé de suivre une recette, le tout c’est que ça fonctionne.

Avec la musique, c’est un peu ça, on peut absorber tout ce qu’on veut. Après, il faut avoir une construction à l’intérieur et faire en sorte que ça plaise, que ça marche notamment à l’image. Je fonctionne comme ça, j’écoute de tout et j’essaie de comprendre ce qui fonctionne.Avec John Williams, par exemple, au-delà des thèmes, des orchestrations élaborées, on est touché tout de suite. Mes influences, elles peuvent venir de là, de l’observation des autres compositeurs et de leurs propositions.

Étant bassiste, j’aime beaucoup Jaco Pastorius ou Marcus Miller et au niveau rythmique, il y a quelque chose  qui m’a beaucoup inspiré chez eux. J’écoute beaucoup les musiques de la première moitié du XXème siècle, l’École de Vienne. En ce moment, je regarde souvent les vidéos de Jacob Collier, je trouve super intéressant tout ce qu’il fait, ou Snarky Puppy qui est musicalement très intéressant aussi.

Je pense que c’est super important de regarder des films pour comprendre le rapport entre l’image et la musique. Il y a un film qui m’a marqué, c’est American Beauty avec la musique de Thomas Newmann. Je l’ai vu quand j’étais au lycée et ce qui m’avait marqué c’est la présence des instruments comme le marimba, qui n’avaient pas forcément un lien avec l’histoire à l’image. On s’attend pas quand on regarde un film qui se passe aux États-Unis à des instruments de l’Europe de l’Est ou de l’Orient, dans la musique, mais il les utilise de telle manière que ça donne une autre dimension à ce qui se passe à l’image. Et c’est quelque chose qu’on retrouve pas mal dans la musique de Thomas Newmann.

J’aimerais quand même ajouter que la vraie influence reste quand même le film et l’histoire qu’on va raconter. C’est notamment les échanges avec le réalisateur qui convoquent l’inspiration. 

Qu’est-ce qui t’intéresse dans la forme du court-métrage ?

Je ne vois pas le format court métrage comme une première étape avant de passer au long métrage – même si ça l’est aussi. C’est un format qui pourrait nous suivre toute notre vie, quand on est compositeur et même réalisateur, car c’est très difficile de faire un bon court métrage.

En peu de temps, il faut raconter une histoire et cela peut devenir long, pénible si c’est pas bien fait. C’est un de mes formats préférés, parce que ça oblige à être efficace. Et si on peut faire de vraiment bons courts métrages, on peut sans doute faire n’importe quel format; d’autant qu’il y a énormément de défi dans le court métrage.

La particularité du travail de compositeur dans le court métrage, c’est à l’inverse des séries ou des longs métrages où on se demande si la musique est suffisamment solide pour être développée sur la longueur. 

Est-ce que tu regardes des courts-métrages ? 
Oui, ça m’arrive souvent de regarder des court-métrages. Notamment dans des festivals, et dans des projections. 
Et quand je vais travailler pour la première fois avec un réalisateur, je regarde ses travaux précédents afin de pouvoir cerner son univers. Cela me semble très important, et pourrait faciliter les échanges avec les réalisateurs.
Ton regard sur les productions françaises ?

Cela me semble assez difficile de répondre à cette réponse. La grande différence avec la production en Iran, ce sont les subventions. C’est la première chose qu’on découvre en arrivant. Et je ne sais pas si j’aurais pu bénéficier d’autant d’aides, de dispositifs, non pas en Iran mais même ailleurs en Europe, déjà. À la fin de mes études, par exemple, la Maison du Film m’a énormément aidé, la SACEM, Richard Sidi aussi. Il y a des initiatives comme le GREC, qui permettent à des réalisateurs de faire leur premier film. Cela rend le cinéma accessible et permet à des auteurs de se confronter au métier. En France, grâce à ces dispositifs, on peut faire du cinéma où que l’on soit. En Iran, en dehors de Téhéran, avoir des ambitions de cinéma, c’est mort.  D’un autre côté, on sent et d’après les retours des producteurs aussi, que ça peut desservir la diversité et que cela pourrait être plus ouvert.

Quel est ton dernier coup de  en terme de court-métrage ?

BONNE NUIT PETITE TOMATE, de Cyprien Nozières (10′- 2020). C’est un court métrage d’animation que j’ai vu récemment. C’est une tomate qui raconte des histoires à des petites tomates pour qu’elles puissent s’endormir et tout est basé sur la musique, sur les chansons. L’histoire est drôle, décalée. Et le compositeur (Denis Vautrin) a fait un super boulot pour trouver l’esthétique musicale ; puisqu’il n’y a pas de parole. C’est bien fait, avec une dimension étrange.

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Catégories : Kontrechamp

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