Formé aux Beaux-Arts et au Conservatoire d’Art dramatique de Rennes, Fred Gélard a réalisé plusieurs films et lu beaucoup de scénarios. En 2016, il a créé Trégor Cinéma, une résidence d’écriture de courts-métrages dans les Côtes-d’Armor, avec un désir d’accompagner des jeunes auteurs et de favoriser la diversité des projets.


Quel est ton parcours ?

Après le bac, je suis rentré aux Beaux-Arts. En même temps, j’ai commencé une formation au Conservatoire d’Art Dramatique de Rennes. En fait, j’ai commencé à tourner assez tôt au Conservatoire comme comédien, parce que j’ai rencontré un réalisateur, Philippe Allard.

J’ai décidé de faire mon premier court-métrage en autoproduction, en super 16. Il a été acheté par Arte, produit par Dante Desarthe, Les Films du Bois Sacré. C’est comme ça que j’ai commencé.

Une production m’a proposé de produire le second mais m’a demandé de me former à l’écriture. J’ai donc fait une formation au CRRAV, dans les Hauts-de-France (Pictanovo, aujourd’hui) et c’était génial. C’est là qu’est née ma passion pour l’écriture de scénario, la dramaturgie, les personnages, comment développer, synthétiser, cristalliser l’imaginaire sur des structures narratives, etc.

En 2015, Morad Kertobi, le responsable du département de court-métrage au CNC, m’a invité à faire partie du comité de lecture et j’ai lu plein de projets. Je suis arrivé au CNC à une période où ils avaient mis en place un dispositif qui s’appelle le tutorat, qui permet de faire des retours aux jeunes auteurs de manière un peu plus conviviale ou un peu plus précise que des retours par téléphone.

Donc ça a été comme une révélation pour moi, ce côté multi-casquettes : la comédie, les références à l’art en règle générale – parce que je fais beaucoup de parallèles avec les jeunes auteurs sur les Beaux-Arts, etc. Et j’ai eu envie de continuer d’accompagner des jeunes auteurs, de partager mon expérience de 20 ans.

L’association Trégor Cinéma est née en 2016 ainsi que l’idée de créer une structure assez simple, une association pour pouvoir continuer ce travail de partage de compétences et d’outils avec les jeunes auteurs.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de créer une résidence d’écriture de courts métrages à Trébeurden ?

J’ai moi-même participé à des résidences d’écriture, tout le temps en groupe. Mais de par ma vision et ma nature, j’ai plus tendance à m’intéresser aux projets des autres qu’aux miens et je me suis retrouvé seul avec ma feuille à ne plus savoir vraiment ce que j’avais envie de faire. Je me suis dit que si je montais quelque chose, ce serait justement pour accompagner les gens mais dans du « one-one », c’est-à-dire pour être en focus sur un projet, en profondeur – ce que j’avais fait pendant les tutorats d’ailleurs.

Pourquoi à Trébeurden ? Parce que je suis originaire de Trébeurden. Mais aussi parce que j’écris beaucoup quand je suis là-bas. Et je me suis dit que dans l’idée d’une résidence, il y a ce côté ascétique dont on a besoin pour s’immerger dans l’imaginaire du projet. Nous avons donc créé ce partenariat avec la ville de Trébeurden qui nous met à disposition des locaux de la mairie, qui accueille des jeunes auteurs et qui nous prête une salle de travail. 

Dans le cadre du dispositif Les Courts d’Armor en partenariat avec le Conseil Régional et le Conseil Départemental des Côtes d’Armor, il y aura cette année 6 jeunes auteurs, 6 accompagnateurs et 6 compagnons du cinéma qui viendront à Trébeurden pour plusieurs séjours sur une période allant du 15 octobre au 15 juin. En plus, d’autres dispositifs dont certains jeunes bénéficiant de la Bourse en Résidence du CNC. Cela permet donc à un certain nombre, notamment parmi la jeune génération, de découvrir la Côte de granit Rose.

Qu’est-ce qui t’intéresse dans la forme court-métrage ?

Ce qui est intéressant dans la forme du court-métrage, c’est l’intensité, le fil conducteur sur un laps de temps, le côté concis. Ce qui m’intéresse aussi est éventuellement l’émergence d’une envie de cinéma particulière, car c’est aussi un endroit de liberté où peuvent s’exprimer des attentions de cinéma.

C’est l’émergence d’un regard, d’un nouveau talent, d’un discours cinématographique qui ne peut pas se faire tout de suite sur le long métrage. Il y a d’autres enjeux par rapport au long, c’est un autre marché, qui laisse encore la possibilité aux jeunes et aux moins jeunes auteurs de s’exprimer.

Il faut savoir être original avec la forme du court, c’est vraiment un espace pour s’exprimer de manière artistique. Et ça, c’est un truc sur lequel on alerte beaucoup les jeunes auteurs, d’être original sur leur proposition de traitement cinématographique, voire de leurs histoires, de leur construction narrative. La politique globale de Trégor Cinéma, c’est des auteurs et des réalisateurs confirmés qui vont accompagner de jeunes auteurs qui débarquent, qui vont tester des choses, qui vont même proposer d’hybrider, de métisser des envies, des genres, parfois en s’apercevant que ça ne fonctionne pas mais ce n’est pas grave.

Il y a effectivement une politique de laboratoire, on cherche, on se pose des questions pour voir comment ça fonctionne. Parce qu’encore une fois, comme je le dis souvent , c’est une phase qui coûte pas cher.  À un moment donné, on peut essayer de coucher les choses sur le papier et de voir comment ça fonctionne, avant même de se lancer dans la recherche de financement. Parce que la réalité c’est que le court métrage au CNC est le département le plus sélectif. On est à hauteur de 2 % d’aides sur le total d’aides attribuées. Sur 800 à 1 000 films déposés par an, 50 sont soutenus. C’est très très sélectif, il faut prendre ce temps, pour exprimer, pour laisser sédimenter, pour voir si ça tient encore la route.

Est-ce que tu regardes des courts-métrages ?

Oui, j’en regarde, notamment parce qu’on organise avec Trégor Cinéma des projections de films sur le territoire. L’idée est de sensibiliser un peu le public localement sur ce qu’on fait, sur ce que font ces jeunes sur la commune. Ils viennent voir les films et ils découvrent aussi un discours, les discours que les jeunes portent à travers ces films. Cela crée des discussions. Alors, oui forcément je regarde beaucoup de films sur le site de l’Agence du Court Métrage, je vais aux marchés du film que ce soit à Trouville, Clermont-Ferrand, Brest.

En VoD ? 

Concernant la VoD, j’ai eu une super expérience de diffusion. La première année où Vimeo a mis en ligne de la VoD, j’ai mis mon film en ligne (Free Party), et comme c’est un film qui a touché une niche, il a très bien marché en VoD, ce qui m’a donné envie d’aller plus loin. Aujourd’hui, ce film est sur une dizaine de plateformes dans le monde entier. J’ai découvert cette possibilité en travaillant en dehors de l’hexagone, en particulier avec des agrégateurs de contenus aux États-Unis qui revendent après partout dans le monde entier – des mandataires l’ont revendu en Allemagne, au Brésil, et le film a fait le tour du monde. Alors, oui c’est génial, la VoD est un outil extraordinaire pour le court métrage !

Qu’est-ce qui t’a influencé ?

Je regarde beaucoup de choses, même complètement différentes. J’ai regardé énormément de films, entre 30 et 40 ans, car j’en avais la possibilité. De Tarkovsky à Dreyer, tous les grands classiques du cinéma, en passant par Woody Allen, les Chaplin, le cinéma classique et aussi le cinéma de recherche, le cinéma qu’on appelle aujourd’hui de recherche, le cinéma d’art et d’essai étranger.

J’essaie de rester alerte sur ce qui se passe. J’ai toujours eu envie de m’intéresser à toute forme d’art, je vais en galerie, je regarde de la vidéo, de la performance art contemporain filmée, je vais au théâtre qui intègre aujourd’hui de la vidéo, en tout cas de la matière filmée, pourquoi parce qu’au niveau du théâtre ; il y a plus de liberté car l’énergie économique n’est pas aussi importante. Certaines compagnies intègrent parfois des choses en termes de son d’images sur un plateau de théâtre avec des moyens parfois simples qui donnent des idées.

L’hybridation artistique est quelque chose d’intéressant. Il y a moins de pression financière donc il y a parfois des tests qui se font en laboratoire artistique, qu’on pourrait faire davantange en termes de cinéma court.

Il faut que je puisse aussi, en tant qu’accompagnateur de projets, répondre à des désirs de cinéma différents, nouveaux. Par exemple, il y a une jeune auteure qui est venue l’année dernière avec un projet un peu hybride, entre le documentaire et la fiction ; un peu dans la logique du travail du GREC (Groupe de recherches et d’essais cinématographiques) , que j’adore, et qu’ils font depuis 50 ans justement sur la recherche cinématographique. Je regarde beaucoup ce que produit le GREC parce qu’il offre une liberté et des financements pour que les auteurs puissent faire leur film comme ils le veulent, en tout cas avec un minimum de moyens pour expérimenter les choses.
C’est une volonté, il faut que ce soit expérimental, il faut qu’il y ait une dimension cinématographique expérimentale. Mais oui, je regarde des choses complètement différentes.

Quel est ton regard sur le cinéma français actuel ?

Il faut à mon sens s’ouvrir plus sur le marché international, on a tendance quand même à regarder beaucoup ce qui se fait sur notre propre marché et pas forcément de ne pas aller regarder ce que font les jeunes cinéastes africains, d’Europe de l’Est, d’Amérique du Sud, les jeunes cinéastes asiatiques. Il y a une très forte demande planétaire parce que les outils se sont démocratisé.

Il y a un autre point que je voudrais faire passer, et aux gens et aux décideurs : c’est bien d’alimenter l’industrie, mais ce qui est intéressant aussi c’est d’alimenter, d’aider à ce qu’il y ait des ponts entre les professionnels du cinéma qui sont parfois en stand-by dans leur tour d’ivoire, de favoriser des aides, qu’ils puissent venir sur des structures qui accompagnent des jeunes auteurs, c’est-à-dire aujourd’hui de mettre au service ces compétences acquises par ces professionnels.

Trégor Cinéma, c’est ça : j’ai envie que ce soit une plateforme d’échanges entre des professionnels, monteurs, réalisateurs, scénaristes, etc du cinéma et de l’audiovisuel en règle générale et des jeunes auteurs.

C’est bien d’aider l’industrie mais il faut aussi aider la création qui va aider l’industrie à se diversifier.

En tout cas à proposer des produits, du cinéma qui sorte un peu de l’hexagone, qui parlent plus aux jeunes aussi. On a quand même une population de jeunes qui ne vont plus en salles de cinéma. Parce qu’ils regardent les films sur Internet, bon mais il y a peut-être aussi quelque chose de l’ordre des sujets qui sont traités et de leur traitement.

Ton dernier coup de ♥ ?

Dans le court métrage, l’année dernière il y a le film de Tiphaine Raffier, La chanson qui m’a vraiment super plu, à tout point de vue, le traitement de l’histoire, l’écriture, les comédiennes, le format, ce que ça raconte.

Retrouvez les infos concernant les différents dispositifs d’accompagnement et résidences de Trégor Cinéma ici


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Catégories : EntretienKontrechamp

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