Laura Abiven et Lucie Corouge photoL’une a d’abord été graphiste, l’autre a été orientée vers la communication. Elles se rencontrent lors de leur formation audiovisuelle à Saint-Brieuc et se retrouvent autour de l’envie de filmer la manifestation Les Estivales de volley, qui a lieu depuis trente ans dans les Côtes-d’Armor. Un projet qu’elles avaient déjà évoqué ensemble et pour lequel le Covid a été un sursaut. 
Quels sont vos parcours ? 

Laura : J’ai eu un parcours assez atypique, j’ai commencé en tant que graphiste, j’ai fait un BTS en design graphique. Mais je me suis rendu compte que je passais mon temps à parler de cinéma et de vidéo. Mes camarades m’ont parlé d’une formation audiovisuel à Saint-Brieuc et j’y suis allée en me disant « pourquoi pas« . J’y suis allée et c’est dans cette formation qu’on s’est rencontré avec Lucie, mais également avec Corto qui est dans l’équipe du projet La Récompense. Dans un premier temps, j’ai voulu allier la vidéo et le design, donc j’ai fait de la vidéo en agence en tant que graphiste, motion designer et vidéaste. Et à un moment donné dans ce parcours, en 2018, j’ai réalisé que j’avais envie d’aller vers le documentaire de création, d’en réaliser un. J’ai donc repris les études, une formation courte de technicienne audiovisuelle. 

Lucie : J’ai toujours eu envie de faire de la vidéo, dès le collège, mais j’ai été orientée vers la communication et le marketing. J’ai fait deux ans à la fac en communication puis la formation TAIS/CIAN de Saint Brieuc où je me suis rendue compte que qu’il y avait des BTS que j’aurai pu faire. J’ai démarré une activité de photo/vidéo/sono parce que j’avais de la demande autour de moi. Et puis, à un moment, tu te réveilles et tu te dis « ben non, en fait, c’est pas ça que j’ai envie de faire ». J’avais envie de raconter la vie des gens avec mon approche. Dans les vidéos d’entreprises ou pour les particuliers, je mets mes compétences à profit pour les autres. C’est deux manières de travailler différentes et je trouve un certain équilibre à faire les deux.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de réaliser un documentaire ? 

Laura : En 2020, je me suis réveillée un matin en me disant que je voulais faire ce documentaire sur Les Estivales

Le Covid a été l’élément déclencheur qui nous a fait réaliser qu’il fallait le faire, ce film. On s’est dit qu’après tout la situation ne pouvait pas être pire et il y avait rien à perdre à essayer.

Cela faisait six ans que j’assistais à cette manifestation et que j’avais envie de la filmer, mais il y avait toujours une excuse : un manque de temps ou autre. Et puis, c’est un événement porté par une association et avec le COVID, beaucoup d’évènements et d’associations se sont trouvé en difficulté. Malgré tout, Les Estivales ont réussi à maintenir leur édition et cela rendait le sujet d’autant plus fort.

Lucie : Voilà il y avait rien à perdre. Et puis avec le COVID, beaucoup de gens ont remis leur vie en question  et surtout leur travail. Et finalement, la question du bénévolat est apparue évidente : « pourquoi on fait du bénévolat ?« , « est-ce qu’il ne faut pas le mettre au coeur de nos vies ?« . Cela a donné du sens à tout le projet. 

Quelles sont vos influences ?

Laura : J’ai vu L’or des Mac Crimon (Gérard  Alle, 2019) et l’histoire de ce sonneur de cornemuse breton qui va en Écosse, retrouver les origines du pibroch écossais m’avait beaucoup plu.. Les images sont très belles et  j’étais très intéressée par les thématiques du voyage, le documentaire de voyage.  J’avais envie de faire un documentaire de musique à ce moment-là et j’avais aussi adoré les séries documentaires d’Arte Creative, Music on The Road ; particulièrement les gars qui partaient sur la Route 66 à la rencontre de musiciens et qui créaient une radio à partir de ces rencontres. Plus proche de notre sujet sur La Récompense, il y a Le Grand Bal (Laetitia Carton, 2018) que j’ai beaucoup aimé mais Lucie est plus mitigée. J’ai beaucoup apprécié la sensibilité de la réalisatrice.

Lucie : Oui, Le Grand Bal se rapproche de notre sujet mais ça ne correspond à la manière dont on voudrait le traiter. J’écoute beaucoup de podcasts, je trouve que c’est un support très intéressant pour restituer des expériences et des parcours. La vie des gens me fascine mais je regardais peu de documentaires avant que je décide d’en réaliser un. Ce n’est que depuis cette année que j’en regarde et que je m’intéresse à la manière dont les choses sont racontées. Celui qui m’a le plus marquée, c’est Petite fille (Sébastien Lifshitz, 2020) pour l’authenticité. Comme je me suis moi-même en réflexion par rapport à la réalisation d’un documentaire, je me demande comment le réalisateur a réussi à capter ces moments-là, car c’est très intime ;  surtout, comment la mère ou la soeur arrivent à parler aussi facilement face à une caméra d’un sujet qui pour d’autres familles serait complètement tabou. 

Qu’est-ce qui vous intéresse dans la forme du court-métrage ?

Laura : C’est une science hyper complexe, parce qu’il faut happer le spectateur tout de suite et  faire en sorte qu’il comprenne l’essentiel de notre propos en très peu de temps. Dans notre cas, on n’aurait pas pu traiter le sujet des Estivales en format court. 

Lucie : Pour notre sujet, ça serait trop compliqué voire impossible de faire un court métrage mais je pense qu’il y a des sujets documentaires qui peuvent s’y prêter. Je découvre depuis peu les courts métrages et c’est hyper intéressant. J’ai travaillé récemment sur un court métrage, j’étais assistante caméra et j’ai trouvé ça génial.

Oui, c’est un mini-film mais c’est trop bien. En fait, avec les modes de consommation actuels, on visionne des contenus courts parce que ça correspond à cette évolution avant de réaliser qu’il s’agit d’un court métrage.

Est-ce que vous regardez des courts-métrages ?

Laura :  Je me suis rendue compte que je suis consommatrice de courts métrages en festival, j’adore les voir en projection. La programmation nous permet de traverser des univers et souvent les réalisateurs sont présents et c’est hyper intéressant. En Bretagne et à Rennes, on est plutôt bien servis en terme de festival. Et puis, ça créée des liens et des connexions : je me souviens d’une séance du festival Court Métrange pendant laquelle toute la salle réagissait en même temps. Sur un format long, il est plus rare d’avoir ce genre de synchronicité. Et après le film, les gens du public échangeaient entre eux sur l’expérience vécue. 

Lucie :  J’ai plus la culture télé, YouTube. Je streame. J’ai l’impression que tant qu’ on n’ est pas cinéphile, c’est pas évidemment de s’intéresser à ce format-là. Ça peut paraître inaccessible à certaines personnes, de prime abord. Les festivals de courts métrages peuvent sembler réservés au monde du cinéma, alors qu’en réalité c’est ouvert à tout le mode. Mais je pense que le court métrage se démocratise un peu plus, notamment avec Netflix.  

Quel est votre regard sur la production française ?

Laura : De la Bretagne, je trouve qu’il y a énormément de choses qui émergent, qui sont accessibles et qui sont chouettes. En tout cas, il y a un beau tissu de création. Sur la production française, il y a de très beaux projets qui ne sont pas assez mis en avant et qui mériteraient d’être plébiscités. Les festivals permettent de mettre en avant des films à côté desquels on pourrait passer. Les modes de financement, notamment du documentaire, rendent indispensable la participation d’une chaîne télé, avec une logique de rareté. Pour La Récompense, on n’avait pas envisagé la télé, on souhaitait plutôt le rendre accessible au plus grand nombre. Mais pour financer un film, la chaîne télé est indispensable et cela implique de conformer le projet aux critères de la télévision. 

Lucie : Cela dépend du regard qu’on pose : en tant que spectateur ou en tant que producteur de contenus. Moi j’adore la production française, car elle est super variée mais je regrette qu’on ne retienne toujours les mêmes blockcbusters. Il y a plein de propositions et c’est hyper riche mais on s’arrête toujours sur les mêmes films. Mais ça pose la question de la raison pour laquelle on fait des films. Est-ce que c’est pour qu’ils soient accessibles à tous ou pour une partie des gens qui sont identifiés comme amateurs « de cinéma d’auteur ». Je pense que c’est une interrogation qui traverse la production française. Quand on a envie d’aller vers la réalisation et qu’on sort de l’école, c’est très compliqué de démarrer. D’où le fait que YouTube a émergé, je pense, car c’est tellement facile de présenter ses contenus  sur YouTube et il ne faut pas oublier que la raison pour laquelle on fait des films, c’est pour qu’ils soient vus. 

Vos derniers coups de ?

Laura : J’avais beaucoup aimé Voir le jour de François Le Gouic (2017), une production bretonne qui raconte la vie d’un homme qui ne vit que vingt-quatre heures. Je l’ai trouvé très poétique. 

Lucie : Le premier auquel je pense, c’est pour la série Love, Death and Robots sur Netflix. La série L’effrondrement réalisée par le collectif Les Parasites, également : le premier épisode est en plan séquence et c’est techniquement bien réalisé. Ensuite,  parce qu’il est sorti juste avant la crise COVID et le sujet résonne d’autant plus. Le cinéma s’inspire-t-il de la réalité ou l’inverse ?

 

La page Facebook du projet La récompense.

 

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Catégories : Kontrechamp

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