Si l’on reprend la définition telle que rappelée par Matthieu Quiniou dans son récent article La blockchain vectrice de l’effectivité des droits des artistes visuels, la blockchain se définit comme étant   » […] un registre distribué permettant de s’assurer sans tiers de confiance qu’une transaction a bien eu lieu à une certaine date et que le vendeur a bien été dépossédé et l’acheteur mis en possession « .

De cette définition, émergent deux principes phares : L’horodatage de la transaction, mais encore l’obligation de délivrance telle que définie par l’article 1604 du Code civil. Si de prime abord, la fonction commerciale semble indéniable, il n’en demeure pas moins qu’appliquée à la sphère artistique, la blockchain puisse devenir un instrument incontestable de protection des droits d’auteur. Pour en comprendre ses potentialités, il s’avère nécessaire de revenir aux origines de sa création, pour ensuite faire émerger ses potentialités du point de vue de la propriété littéraire et artistique.

Aux origines de cette nouvelle technologie, la blockchain Bitcoin

Pendant longtemps, le paiement de pair à pair, « peer to peer« , sans autorité centrale de contrôle et de manière sécurisée est resté utopique. Contre toute attente, cela a été rendu possible par Satoshi Nakamoto ayant élaboré, dans une logique libertarienne, la blockchain Bitcoin, que l’on peut qualifier de première génération blockchain. Le principe est simple : transférer de la valeur sans avoir recours aux banques qui certifieraient logiquement la transaction selon une procédure dite normale.

           Dans le cadre de la blockchain, ce sont en effet les membres du réseau qui sont à l’origine de la validation d’un tel transfert de valeur, ce dernier étant horodaté, ce qui en augmente sa sécurité.

De manière concrète, dès qu’une personne souhaite transiger avec autrui, celle-ci devra certifier le versement de la somme d’argent par le biais d’une clé confidentielle, dite « clé privée », soit l’équivalent d’une clé d’un coffre-fort. Chacun des membres du réseau se verra notifier un certain nombre d’informations telles que le montant mais encore la date et l’heure de la transaction. Cela permettant ainsi d’horodater le transfert, qui sera par la même occasion inscrite dans un bloc. À partir de ce moment, une phase de validation dudit bloc va pouvoir débuter, dont l’instigation sera effectuée par l’ensemble des membres du réseau. Une fois validé, il ne sera plus possible de modifier ce bloc, puisqu’étant immuable, ce dernier étant lui-même inscrit dans une chaine de bloc (blockchain). La transaction pouvant ainsi se réaliser.

Si la blockchain Bitcoin reste aujourd’hui la plus importante tant d’un point de vue capitaliste que du point de vue de sa notoriété, une seconde génération de blockchain ayant vu le jour à partir de 2015 a fait émerger de nouvelles fonctionnalités qui ne sont pas négligeables.

Ceci, à l’instar de la blockchain Ethereum, à laquelle on associe l’émergence des contrats intelligents ou smarts contracts. Ces programmes ont l’opportunité de permettre l’exécution automatique de dispositions préalablement définies par les parties en se basant sur un code informatique. Dans cette lignée, apparaissent de nouveaux cryptoactifs intitulés tokens.

 

La blockchain, un instrument fondamental au service des droits d’auteur

En propriété littéraire et artistique, les auteurs disposent d’une part de droits moraux, d’autre part de droit patrimoniaux sur leurs œuvres. Concernant les premiers, parmi les quatre prérogatives dont dispose l’auteur d’une œuvre, figure le droit à la paternité. Ce dernier, se définit comme étant le lien de filiation, unissant un auteur à son œuvre. Cela signifie de manière implicite, qu’il est nécessaire de savoir qui est l’auteur d’une œuvre, lorsque cette dernière est réutilisée. Si l’on part du postulat que la blockchain, permet d’horodater des transferts de valeur, associée aux smarts contracts, une œuvre inscrite dans une blockchain permet de dater l’écriture ou l’idée d’un scénario de film / court-métrage en mentionnant le nom de son auteur. À titre d’illustration nous pouvons citer la startup parisienne Ipocamp, usant d’un protocole blockchain afin de permettre aux auteurs d’horodater et de certifier une œuvre de l’esprit en quarante secondes, dans le but de les protéger au niveau international.

Une fois inscrite dans la blockchain, l’œuvre possédera sa propre empreinte numérique sous la forme d’un hash, lui faisant bénéficier d’un certificat d’authenticité. Ce dernier fondera la preuve d’antériorité qu’il sera ensuite possible d’utiliser en cas de conflit ultérieur avec un plagiaire.

En suivant cette logique, le certificat d’authenticité va aussi pouvoir jouer en raison des droits patrimoniaux. Ces derniers étant au nombre de trois : Le droit de représentation, le droit de reproduction, ainsi que le droit de suite. Concernant les deux premiers, il suffira de se reporter au certificat d’authenticité de l’œuvre inscrite dans la blockchain pour savoir qui en est l’auteur en cas de conflits. Concernant le droit de suite, il est indéniable que de nombreux revendeurs abusent de leur position vis-à-vis de la redistribution des recettes générées par les œuvres, manquant parfois même de transparence dans le suivi. Ce constat peut totalement être contrecarré par la blockchain, prônant la transparence et la confiance entre ses membres

Puisqu’originellement, celle-ci se trouvait être une technologie de suivi des transferts de valeur, les smarts contracts se révèlent intéressants afin de pouvoir récupérer automatiquement les recettes générées et ainsi garantir un droit de suite bien plus effectif pour les auteurs. En effet, cette prérogative pourra ainsi être calculée de manière concrète, soit, en fonction du bénéfice réalisé par le revendeur. L’auteur pourra ainsi récupérer automatiquement les recettes générées par son œuvre, ce qui semble être bien plus éloquent que les longues procédures administratives que notre système actuel connaît.

Ce qui permet à Matthieu Quiniou d’affirmer dans son article que :

« La blockchain a le potentiel pour renouveler et amplifier le marché de l’art dans une économie numérique et donner sa juste place à l’artiste dans le partage de la valeur ».

Maxime Quérou
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