Photographie Sébastien Vitard

Agathe Oléron est depuis toujours guidée par l’envie de créer et de raconter des histoires. Élève à l’école des Beaux-Arts, attirée également par l’univers circassien et d’autres formes artistiques, c’est la rencontre avec un court métrage d’animation qui l’amène à la forme filmique. Pour son premier film en tant qu’auteure-réalisatrice, La Dame de Saint-Lunaire, la forme documentaire s’est révélé une évidence. 
Quel est ton parcours ?

J’ai grandi à Montfort-sur-Meu, aux portes de Brocéliande, baignée dans l’univers des contes et légendes de la culture locale. Bac scientifique en poche, j’ai fait mes études à l’école des Beaux-Arts de Rennes. Après avoir vu Le Conte des contes de Youri Norstein (1979), j’ai commencé à m’intéresser de très près à l’animation au point de faire des courts métrages d’animation dans ma cuisine. J’ai débuté en analogique (Hi8).

J’aurais préféré faire de l’image par image en Super 8, mais le développement de la pellicule était trop cher pour mon budget d’étudiante. Entre mon année d’entrée à l’école en 1995 et ma sortie en 2000, nous sommes passés d’équipements de montage analogiques à des équipements de montage numériques. Pour pouvoir monter nos films, il fallait que nous nous emparions nous-mêmes de ces nouvelles technologies. Ça été très formateur !

Une fois mon DNSEP (Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique, ndlr) obtenu, j’ai envoyé des cassettes VHS des petits films d’animation réalisés lors de mes études aux deux sociétés de production d’animation rennaises : JPL Films et Vivement Lundi !. Et c’est Jean-Pierre Lemouland de JPL Films qui m’a appelée le premier.

J’ai rejoint, en septembre 2000, le projet de série d’animation en stop motion Petra’ lârez qui était une coproduction JPL Films et Vivement Lundi ! pour les programmes bretons de la toute nouvelle chaîne TV Breizh. J’ai pu ainsi exercer en tant qu’assistante de réalisation, scénariste, coordinatrice de plateau, décoratrice, accessoiriste, graphiste, truquiste en compositing et effets spéciaux, monteuse, etc. sur cette série d’animation puis sur de nombreux films d’animation, de fiction ou de documentaire, principalement pour JPL Films et pour Vivement Lundi ! Parallèlement, en tant que graphiste-illustratrice, j’étais très sollicitée pour réaliser les affiches, les flyers, les jaquettes ou les couvertures de dossier des films en production ou d’évènements autour du cinéma. Au début de mon parcours professionnel, sur mes temps libres, j’assistais aux cours à l’Université de Rennes 2 et y ai rencontré des personnes qui, comme moi, avaient envie de faire des films d’animation : nous avons créé une association, Blink.

En 2006, je suis partie durant six mois travailler sur une série d’animation Hana’s Helpline pour les studio Calon TV à Cardiff, au Pays de Galles. La même année, j’ai repris des études de conceptrice-réalisatrice multimédia à Paris, aux Gobelins, l’école de l’image, durant un an. Une fois diplômée, j’ai travaillé durant deux années à monter un pôle vidéo dans une grosse agence de communication. Ce bref passage en agence m’a permis de comprendre à quel point la liberté de création, et non la commande, était mon moteur. Je suis retournée travailler sur des films de création, d’abord en tant que technicienne mais avec une envie de plus en plus urgente de réaliser à mon tour. L’idée d’un film a germé et c’est la formation Dramaturgie et Documentaire suivie à Mellionnec en 2013 qui m’a légitimée sur une nouvelle forme d’écriture : le documentaire de création.

Qu’est-ce qui t’a donné l’envie de réaliser des films ?

L’envie de raconter des histoires. J’ai choisi les Beaux-Arts parmi un ensemble d’écoles d’arts. Mais j’étais aussi attirée par le cirque nouveau, qui me semblait être à la croisée de tous les genres artistiques, mettant l’instant du réel au centre du spectacle. Mes premiers courts métrages d’animation sont autour du cirque nouveau.

J’ai beaucoup écrit pour réaliser, mais travailler sur les films des autres a vite pris le dessus, au détriment de mes propres projets. Pourtant, j’ai toujours eu ce besoin de passer à l’étape de la réalisation.

En 2012, alors que je retournais régulièrement à Saint-Lunaire, petite station balnéaire bretonne où j’avais été en classe de mer étant enfant, les souvenirs d’une maison étrange qu’on appelait « la maison de la folle de Saint-Lunaire » ont ressurgi en moi. J’ai senti le besoin de retrouver cette maison, de retrouver cette femme, ne distingant plus ce qui était réel ou inventé dans mes souvenirs. J’ai d’abord cherché seule sur place, sur internet puis en allant poser des questions à l’office du tourisme, à la mairie, à la médiathèque, auprès des habitants de Saint-Lunaire. En juste une journée, j’ai réussi à collecter des témoignages très variés et parfois très contradictoires autour de cette femme et sa construction : elle avait bien vécue ici, s’appelait Jeanne Devidal, était décédée à Saint-Briac-sur-Mer en 2008, sa maison avait été démolie dans les années 1990. Au fur et à mesure de mes rencontres, j’ai trouvé très beau ce qui animait les gens quand ils m’en parlaient, mêlant leur histoire de vie personnelle à l’histoire de cette femme comme le parfum d’une époque agréable. Il y avait dans l’air les traces invisibles d’un mythe, d’un mystère. Et ça a éveillé en moi l’envie d’en faire un film pour raconter cet invisible ! J’ai envisagé l’animation mais les processus de fabrication m’ont paru contradictoires avec la spontanéité des témoignages reçus.

Qu’est-ce qui t’intéresse dans la forme du court-métrage ?

Le court-métrage permet d’explorer un univers avec des moyens de production plus réduits. Le fait que l’histoire se mette en place sur une courte durée oblige à perfectionner son récit, à le condenser pour en extraire et donner à respirer une effluve pure et fugace.

Qu’est-ce qui t’a influencée ?

J’ai été influencée par plusieurs œuvres : d’abord quand j’étais aux Beaux-Arts de Rennes, Le Conte des Contes de Youri Norstein que j’ai déjà cité, mais aussi le Cirque d’Alexandre Calder et le travail de Christian Boltanski. Et puis en 2004, une installation d’Annette Messager « Sous vent » au couvent des Cordeliers à Paris. Cette installation donnant à voir durant un très court instant des objets disposés sous un immense voile noir, fut pour moi une véritable révélation.  Il y a eu également des documentaires : Histoire d’un secret de Mariana Otero, ou encore Lame de fond de Perrine Michel et Monsieur M, 1968 de Isabelle Berteletti et Laurent Cibien.

Est-ce que tu regardes des courts-métrages ?

J’aime beaucoup regarder les courts-métrages au cinéma, ils ont une toute autre dimension, donc souvent dans le cadre de festivals.
Mais quand ça n’est pas possible, je les regarde en ligne, régulièrement, sur des moments de pause dans mes journées de travail.

Ton dernier coup de ♥ ?

Mon plus gros coup de cœur de ces dernières années reste le court métrage Nous d’Olivier Hems, que je ne me lasse pas de voir et revoir.

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Catégories : EntretienKontrechamp

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