Florence CaillonSi selon sa formule, la musique est arrivée dans la vie de Florence Caillon de façon magique, ce ne fut pas nécessairement d’un seul coup. Mais plutôt qu’elle avait toujours été là, à regarder Florence grandir jusqu’au moment qu’elle aurait jugé opportun pour prendre la place qui lui revenait dans son existence. 
Quel est ton parcours ? 

Au départ, je me destinais pas du tout à la composition. J’ai commencé comme danseuse, je faisais du cabaret, un chemin de traverse qui m’a beaucoup appris. Je travaillais la nuit et dans la journée, je prenais des cours de théâtre dans des conservatoires d’arrondissement de Paris. Je montais des spectacles et je me suis mise à composer sans m’en rendre compte, de façon très instinctive. J’avais un ami compositeur qui travaillait sur les adaptations audio des albums du Père Castor, il m’a refilé le travail parce qu’il voulait plus le faire. Je suis allée un jour déposer une maquette, comme ça et j’ai fait quatorze histoires du Père Castor. Assez vite, ils m’ont proposé le challenge du générique du dessin animé Père Castor. Il y avait plusieurs candidatures et c’est moi qui ai emporté le projet avec la chanson qu’on connaît. J’ai fait la musique, écrit les paroles et chanté le générique.

À ce moment-là, j’ai vraiment eu besoin de comprendre ce qui m’arrivait. J’ai intégré la classe de composition du conservatoire de Pantin pendant deux ans, ce qui m’a permis de maîtriser mieux les bases et faire grandir ma musique. J’y ai vécu des moments incroyables, côtoyé des compositrices et compositeurs issu·es de plein de cultures différentes et acquis les base de l’harmonie, du contrepoint.

La société de production avec laquelle j’ai fait Les Belles Histoires du Père Castor a commencé à me faire travailler sur des unitaires. J’ai été en charge de la musique d’une série pour France 2 pendant dix ans puis pour France 3 et je n’ai pas vu le temps passer. Et puis il y a eu un unitaire du réalisateur de cinéma Manuel Poirier, qui a été très important pour moi (Le Sang des Fraises) et pour lequel j’ai reçu le Prix de la Musique au Festival de la Fiction TV (La Rochelle).

En parallèle, j’ai créé ma compagnie L’Eolienne, autour du principe de cirque chorégraphié, et qui tourne partout dans le monde. Je compose toutes les musiques de mes pièces. C’est beaucoup de travail mais je n’ai jamais voulu choisir entre le film et le spectacle vivant car les deux se nourrissent. Je suis passionnée par ce que je fais et c’est ce qui nourrit ma vie.

Depuis 2019, j’ai enchaîné avec ma première musique de long métrage Qui a tué Lady Winsley, d’Hiner Saleem avec l’envie très forte d’aller vers le cinéma, puis un très joli court-métrage et deux documentaires (c’est un format très enrichissant, on y apprend beaucoup sur des tas de sujets) pour Public Sénat et Arte.

 

Qu’est ce qui t’a donné envie de composer pour l’image ? 

J’ai écouté énormément de musique, j’écoutais beaucoup  de musiques du monde, beaucoup de musiques contemporaine et aussi de la musique de films. Petite, je passais des heures sur le piano d’un ami de ma mère, à raconter des histoires toute seule autour de cet instrument. J’avais fait de la musique, comme beaucoup d’enfants ; de la flûte traversière, du piano. J’ai été touchée très tôt par des musiques au cinéma, notamment Nino Rota, Ennio Morricone. À cette époque-là, je n’identifiais pas encore les auteurs mais c’était déjà là. Je me souviens avoir vu Out of Africa et la musique de John Barry m’avait complètement transportée. Plus tard, j’ai rencontré un compositeur de musiques de film, je le regardais travailler et ça me semblait le plus beau métier du monde. Mais ça me semblait pas envisageable comme métier, je pensais qu’il fallait avoir fait 10 ans de conservatoire. 

 

Qu’est-ce qui t’a influencée ?

En fait, plus que des compositeurs ce sont des films qui m’ont inspirée. Je pense que mon premier grand choc c’est la musique de Maurice Jarre pour Docteur Jivago. Et aussi Evan et John Lurie et Tom Waits pour les films de Jim Jarmusch. Anton Karas pour  Le Troisième homme. Mais aussi Gabriel Yared pour Le patient anglais et Mikis Theodorakis pour Zorba le Grec. J’ai écouté  en boucle Erik Satie que je trouve tellement inspirant.

Mais aussi Philipp Glass, Warren Ellis dont on me rapproche parfois, George Delerue. Et bien sûr les musiques des films de Fellini qui m’ont fascinée pendant longtemps, en écho à mes origines italiennes. Il n’y aucune femme dans ma liste, c’est effrayant. Ah si ! je me souviens d’avoir écouté en boucle la version de la Paloma de Carla Bley.

Aujourd’hui j’écoute aussi beaucoup d’électro comme Nu ou Oceanvs Orientalis.

 

Qu’est-ce qui t’intéresse dans la forme du court-métrage ?

J’aime beaucoup le court métrage, je me sens bien dans ce format-là que je trouve très évident. Ce format fait écho à toute une collection de courtes pièces de spectacles vivants de 25-30 min que j’ai écrites (acro-chorégraphies et musique).

C’est un format resserré, incisif qui permet de s’exprimer différemment d’un format long. Il y a beaucoup de variétés esthétiques et c’ est un endroit de liberté, où il y a des styles, des émotions très différentes. Je trouve ça assez foisonnant, en fait.

 

Est-ce que tu regardes des courts-métrages ? 

Je suis entrée dans le court métrage par Jarmusch et cela m’a beaucoup marquée. Récemment j e me suis abonné à Bref et j’en vois aussi  sur Canal +. J’en regarde dès que je peux, aussi parce que ça me permet de rencontrer des univers qui me touchent. J’en vois aussi en festival.

 

Quel regard portes-tu sur la production française ? 

J’aime beaucoup le cinéma d’auteur français et étranger. Je ne suis pas du tout blockbuster, ça ne m’intéresse pas, j’ai l’impression de savoir dès le début comment ça va finir. Mais dans la production française, ce que je trouve enthousiasmant c’est la multiplicité des formats. Il  y a bien sûr les courts métrages, qui est déjà une grande variété de formats, mais aussi les longs métrages, les unitaires et les séries dont l’essor est important aujourd’hui, les documentaires. Bref, cela donne un magnifique terrain de jeu.  J’ai eu un gros coup de coeur pour Le Bureau des Légendes, et notamment pour la musique d’ailleurs. Je m’intéresse aussi à la production au niveau mondial, j’aime que le cinéma me fasse découvrir des mondes différents, des histoires et des sensibilités différentes ; cela participe au dépaysement que procure un film.

Quel est ton dernier coup de  en terme de court-métrage ?

Le Pérou de Marie Kremer que j’ai découvert au festival de La Baule. J’ai aimé la thématique, le rythme du film, l’image, l’ambiance et la musique de Chloé Thévenin.

 

Florence Caillon est membre du Collectif Troisième Autrice qui met en avant les compositrices de musique de films.

 

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Catégories : EntretienKontrechamp

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